mardi 28 août 2018

Uberréalité

Tombant sur un hommage au créateur du magazine Playboy, tu repenses au concept génial que Hugh Hefner a utilisé. Non pas la playmate, devenue poupée siliconée vulgaire à partir des années 70 mais la « girl next door », celle qui fit fantasmer les hommes de l'époque. Le poids des conventions et la censure obligeaient à être subtil, à suggérer plutôt que dévoiler. Alors sur papier glacé, s'étalaient des mises en scène troublantes de femmes très légèrement dévêtues, ou ayant une attitude vaguement suggestive. Ces femmes tout juste jolies étaient mises en scène dans des situations banales, l'érotisme était diffus. Playboy avait découvert par hasard le pouvoir de l'Uberrealité, cette réalité augmentée, à proprement parler fantastique. Augmentée, car proposant un réel fantasmé, fantastique car introduisant une part d'irréel dans la banalité du quotidien. Rien n'est plus excitant que la banalité qui dérape subrepticement vers le fantasme inavoué, rien n'est plus désirable que l’expérience rêvée.

La puissance de cette Uberrealite est immense : tout est faux, tout est idéal mais tout est plausible. Le rêve est à portée de main, la représentation de la réalité devient préférable à la réalité.

A l'heure des représentations et du spectaculaire, le concept de « girl next door » reste plus puissant que jamais. Instagram est le plus beau terrain de jeu de la machine à rêve, mettant en scène ces autres si proches et si loin que l'on admire, envie, déteste. Nous nous identifions, nous nous sentons proches. Nous aimons la princesse Kate qui s'habille parfois dans le même magasin que la voisine, nous adorons ce globe trotter bohème qui semble avoir la vie facile. Tout semble si simple.

Voilà pourquoi la frustration est si difficile à gérer quand la réalité s'avère comme on pouvait s'en douter moins belle que sa représentation. Certains se plaindront des cigales qui chantent trop fort en Provence, d'autres de l'omniprésence des touristes, d'autres encore seront déçus de comprendre qu'égaler telle icône de la mode est impossible, sauf budget illimité.

Le retour à une réalité abrasive, dure, complexe est une épreuve pénible. Voilà pourquoi il est souvent plus confortable de rester dans la sphère du rêve. Pour cela, il faut payer mais ça tombe bien. Nombreux sont ceux qui se proposent d'alimenter la machine à rêves.

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