Tu marches sur ce chemin qui lézarde au milieu de la plaine qui t'a vue grandir. Seul dans ce froid matin d'hiver, tu te rappelles qu'avant, il n'y a pas si longtemps, une locomotive passait par là.
Tu te souviens de l'excitation qui gagnait la cours de récréation à l'approche du train : le bruit sourd qui s'approche bientôt assourdissant, le mugissement du klaxon déchirant l'air, les cris de joie, le silence revenant peu à peu. Jusqu'au prochain passage.
Tu t'imagines la construction du chemin de fer il y a plus d'un siècle : le plan Freycinet les tractations pour exproprier les paysans, les colères et les conflits, les travaux durant des mois, les trains chargés de voyageurs et de récoltes. Puis tu penses au lent déclin, aux trains de fret de moins en moins nombreux, à la fermeture dans l'indifférence générale.
Maintenant le train jaune et vert ne passe plus. Les rails et les traverses ont disparu, la voie désormais morte est un chemin de campagne traversant les villes et les villages de ton enfance. Ce chemin ne mène pas nulle part, ce n'est pas l'abandon non mais quelque chose de plus insidieux : l'oubli.
L'orgueilleuse voie de chemin de fer redevenue poussière te fait irrésistiblement penser à ton destin. Tout est rendu au silence à la fin.
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