samedi 27 juin 2015

Suicide digital : retail aujourd'hui, banque demain

Un exemple vécu ce matin. Je vais à la FNAC pour retirer des billets de spectacles (le retrait en ligne était impossible bizarrement, sûrement le fait du producteur). 
 - Etape 1 : j'attends 5 minutes derrière une personne et au moment de passer la vendeuse me dit de me débrouiller à la borne derriere moi pour un simple retrait. Elle n'aurait pas pu me le dire tout de suite ? 
- Etape 2 : devant la borne ensuite, j'entre le numéro de commande retrouvé dans l'appli FNAC. Évidemment ça ne fonctionne pas. Je fouille alors dans mes mails et je vois qu'à la FNAC tu as deux numéros de commande : un sur ton mail et un sur ton application. Mais quel idiot a bien pu avoir une idée pareille ? 

Problème pour un acteur historique comme la FNAC, l'expérience digitale est également décevante : site laid et incompréhensible, applications instables, absence de recommandations personnalisées pertinentes... Rien d'étonnant ici, ce n'est pas l'ADN de la FNAC et elle ne sera jamais Amazon. Alors pourquoi ne pas essayer de se différencier par une expérience en magasin agreable ? Pourquoi ne pas donner envie de flâner dans les rayons, au lieu de réduire le choix ? Pourquoi ne pas proposer un conseil personnalisé et de qualité comme il y a 20 ans (les conseillers FNAC, c'était mieux avant) ? Peut-être parce que les dirigeants ont abandonné, voyant les magasins comme un boulet alors que ce réseau de magasins physiques est leur seule valeur ajoutée, permettant de dépasser une course aux prix perdue d'avance face aux pure players digitaux. Peut-être aussi parce que les dirigeants ne sont pas des commerçants et n'aiment pas le contact client...

La même histoire va bientôt se répéter pour les banques. Sur fond de réglementation plus contraignante autour du conseil en investissement, je pense notamment à MiFID 2, certains établissements envisagent tranquillement d'arrêter le conseil en investissement pour les petits clients. Ces clients seront routés vers le site web pour gérer leur épargne, le conseil étant réservé aux meilleurs clients.  Mettre en jachère les "petits" clients qui peuvent devenir grands demain, cesser de les conseiller alors que l'épargne est typiquement un produit qui se vend mais qui ne s'achète pas, voilà une riche idée. Dans le meilleur des cas, ces clients cesseront d'investir dans leur épargne financière, dans le pire des cas ils iront voir les banques en ligne moins chères. Car quand il n'y a plus de service, la différenciation ne peut se faire que par les prix et les réseaux de distribution traditionnels ne peuvent tout simplement pas lutter.

Capitulation en rase campagne encore, refus de se battre pour sauver son modèle face aux nouveaux acteurs du digital. Les réseaux bancaires ont pourtant les armes : la capacité de conseil de proximité, la pédagogie, l'écoute pour faciliter des choix complexes difficiles à effectuer seul face à son écran. Sur l'épargne, il y a moyen de créer des outils d'allocation d'actif reposant sur le profil de risque du client, ses objectifs d'épargne, permettant au conseiller d'apporter une réelle valeur ajoutée. En alliant la puissance des plateformes d'aide à la décision (regardons ce que font Wealthfront et ou Betterment aux Etats-Unis) au conseil de proximité, les banques de réseau ont encore la possibilité de sauver leurs parts de marché et de créer de la valeur pour leurs clients. 

La question est de savoir si elles croient encore en leur modèle.